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LA CRISE
INTELLECTUELLE ET MORALE DE L'UNION EUROPEENNE
ET DE L'OCCIDENT ( I I )
L'EXPERIENCE DES
SIECLES
Aucune société ne peut survivre si elle ne
se fonde pas sur une morale, sur son respect et son application. Ce que lon
constate, cest quau travers des siècles les grands préceptes de la morale,
sont restés les mêmes.
En fait, la morale traditionnelle issue de la longue expérience des
siècles se présente comme une charte non écrite qui transcende toutes les lois et en
constitue les principes fondamentaux.
Dès que les préceptes moraux traditionnels ne sont plus observés
les sociétés entrent inévitablement en décadence. Tel a été notamment le cas de
lempire romain.
On ne trouve dans toute lhistoire aucune
grande civilisation qui ne se soit fondée sur les grands préceptes de la morale
traditionnelle.
Les devoirs de lhomme
On ne cesse aujourdhui
de discourir sur les droits de lhomme. Mais les droits de lhomme sont
indissociables des devoirs de lhomme.
Cest ce qua parfaitement exprimé la
Déclaration des Droits et des Devoirs de lHomme et du Citoyen du 5 Fructidor
an III (22 août 1795) dans les deux premiers articles de sa Deuxième Partie.
Article 1. - La
Déclaration des Droits contient les obligations des législateurs, le maintien de la
société demande que ceux qui la composent connaissent et remplissent également leurs
devoirs.
Article 2. - Tous les devoirs de lhomme
et du citoyen dérivent de ces deux principes, gravés par la nature dans tous les coeurs;
- Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu on vous fit. -
Faites constamment aux autres le bien que vous voudriez en recevoir.
Toute violation des devoirs de
lhomme doit être condamnée et punie sans délai. En fait, toute société qui
nest pas capable de se défendre est une société perdue ( 2 ).
La société permissive
Il est facile de tourner en
dérision les grands préceptes de la morale qui nous ont été légués par la tradition
et de vanter les mérites de la société permissive ( 3 ).
Chaque jour la presse dénonce les méfaits de tout
ordre moral, mais le désordre moral ne peut aboutir quau désordre des sociétés.
En fait, les préceptes de la morale
sappliquent en premier lieu aux dirigeants politiques dont la vie publique et
privée doit rester exemplaire ( 4 ).
Les fondements expérimentaux
de la pensée scientifique
Sur le plan scientifique un
principe fondamental sest peu à peu imposé : la seule source de la connaissance
est lexpérience et toute théorie contraire aux données de lobservation doit
être rejetée.
La pensée scientifique européenne sest
aujourdhui totalement libérée de la magie, de lirrationnel, et même de la
religion. Son seul objet est de dégager à partir des données de lobservation des
lois générales.
Le consentement universel, et a
fortiori celui de la majorité, ne peuvent être considérés comme des critères de la
vérité. Le seul critère valable de la vérité est laccord avec les données de
lexpérience.
En matière de science, en
matière dhistoire, la vérité ne saurait relever ni de la puissance publique, ni
des tribunaux, quels quils puissent être, mais exclusivement et indéfiniment de
la seule recherche et des seules méthodes scientifiques qui doivent rester libres de
toute entrave. Dans tous ces domaines la constante remise en cause des "vérités
établies, quelles qu elles puissent être, est une condition majeure du
progrès de nos connaissances.
Les fondements
humanistes de la vie en société
Cest par un processus
analogue que sest dégagé peu à peu un humanisme dérivé lui-même de
lexpérience. Quels en sont donc les traits essentiels?
Cest tout dabord et fondamentalement le
respect des individualités et des minorités qui doivent être protégées contre tout
pouvoir arbitraire des majorités ; cest la liberté de penser, cest-à-dire
le droit dexprimer ses opinions par la parole et lécrit, sans être
inquiété ou persécuté ; cest le droit de pouvoir s' informer, discuter,
délibérer, constester, publier, sans contrainte.
Cest ensuite
lidée que tout pouvoir livré à lui-même tend à devenir despotique ; que tout
pouvoir ne peut être contenu que par un autre pouvoir qui le contrebalance et le limite ;
que ce qui est important, ce nest pas le titulaire du pouvoir, mais la nature du
pouvoir ; et que tout pouvoir illimité, que ce soit celui dun despote ou dune
majorité, est inévitablement oppressif.
Cest également lidée que sur le plan
du droit et dans lintérêt même dune bonne administration de la justice,
aucun crime, quel quil puisse être, ne saurait être indéfiniment imprescriptible.
Cest encore lidée
quune frontière infranchissable doit être établie entre les sciences
physiques et humaines qui relèvent du seul critère de lexpérience et les
croyances religieuses qui relèvent seulement dune révélation intérieure, qui
doivent être respectées en tant que telles, mais qui ne doivent pas chercher à
simposer.
Cest cet humanisme libéral, dérivé de
lexpérience des siècles, qui inspire fondamentalement la littérature, la morale,
la philosophie, la pensée politique, le droit de la civilisation européenne ( 6 ).
Ce sont les principes de
cette civilisation que lUnion Européenne se doit de maintenir et elle se doit
décarter délibérément tous les multiculturalismes qui ne pourraient
constituer pour elle quautant de régressions.
Deux poids, deux mesures
En tout cas,
lOccident doit toujours rester fidèle à ses propres principes.
Un seul exemple, dune actualité
pressante, devrait suffire pour nous convaincre.
LOccident, qui a trouvé tout naturel de faire
prendre des résolutions par les Nations-Unies à lencontre de lIrak et de les
faire appliquer, en déclarant justifié le recours à des moyens militaires si cette
application se révélait insuffisante, na cessé de rester indifférent à la non
observation par Israêl des résolutions des Nations Unies à son encontre.
Très objectivement,
lOccident na cessé de mener une politique dépourvue de toute cohérence
éthique.
En fait, cest lOccident qui par son
abstension durant de longues années est responsable des atrocités commises de toutes
parts au Moyen-Orient par les Palestiniens et les Israéliens ( 7 ).
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NOTES
1. Il nest que trop déplorable que la Constitution
française actuelle ne vise
que la Déclaration des droits de lhomme et du citoyen sans
aucune référence à ses Devoirs.
Il est notamment inadmissible que
loctroi de la nationalité française permette à ses bénéficiaires dexercer
tous leurs Droits de français sans aucun engagement de leur part de remplir tous
leurs Devoirs.
2. Le respect de la
personne humaine ne saurait en aucun cas conduire à la conclusion que la peine de mort
doit être exclue dans tous les cas. Il est des crimes, particulièrement sauvages,
comme le viol et lassassinat denfants sans défense, qui ravalent leurs
auteurs au rang de bêtes fauves.
La société doit sans hésitation les punir
du châtiment suprême. Tout au plus, les modalités de leur exécution peuvent être
laissées au choix des assassins, et la guillotine nest pas le seul moyen de donner
la mort, encore quelle soit sans doute la plus spectaculaire et la plus dissuasive.
Que la société puisse assurer pendant des dizaines
dannées lentretien et la garde de coupables dassassinats
particulièrement odieux, ne trouve aucune justification. Elle en trouve dautant
moins, si lon considère que la société se trouve par là même privée de moyens
qui lui permettraient de mieux assister tous ceux qui ont toujours respecté les lois et
que la malchance a pu conduire à des situations misérables.
En fait, il y a pour tout homme dEtat
responsable une contradiction fondamentale entre donner lordre, en temps de
guerre, de tuer les ressortissants des pays ennemis, parmi lesquels se trouvent de braves
gens parfaitement innocents, et refuser de mettre à mort des assassins coupables des
pires crimes pour lesquels nexiste aucune excuse que ce soit.
En tout état de cause, dans des pays qui se disent démocratiques, il
y a un véritable abus de pouvoir de la part des dirigeants politiques qui ont
décidé labolition de la peine de mort, et la maintiennent, alors que la majorité
des citoyens, quils prétendent représenter, demande son rétablissement.
3. Dans le Grand Dictionnaire des Citations françaises de
Jean-Yves Dournon (édition Acropole 1982) on peut lire parmi les citations
relatives à la morale et retenues comme significatives (p. 582): "La morale est
lépine dorsale des imbéciles"; - "La
morale naurait-elle pas son origine dans lerreur"; -
"La morale et le bon goût sont un vieux ménage. Ils ont pour enfants la
bétise et lennui" ; - "La morale est la
faiblesse de la cervelle"; - "La morale est
lhygiène des niais, et désormais, lhygiène est la morale de toutes les
turpitudes".
Tel est le credo fondamental de la société permissive.
4. Certains hommes politiques soutiennent
quil faut séparer vie privée et vie publique. Mais dans tout état
démocratique cette séparation est impossible et en tout cas elle nest pas
souhaitable. Ce qui est intrinséquement immoral est indigne des dirigeants de toute
société démocratique, libérale et humaniste.
5. Allais, 1991, LEurope
Face à son Avenir. Que Faire ?, p. 111-112.
6. id.,p.112-114.
7. Sur tous les points ci-dessus voir mon nouvel
ouvrage "Nouveaux Combats pour lEurope, 1995-2002", Editions
Clément Juglar (62, avenue de Suffren, Paris 75015, tél. 01 45 67 18 38 ).
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